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COACHING STRATÉGIQUE : Quel sera l’avenir de mon exploitation ?

Depuis quelques mois, la chambre d’agriculture du Rhône accompagne les agriculteurs dans leur réflexion sur les orientations à donner à leur exploitation. C’est ce que l’on appelle du « coaching stratégique ». 

 

Décryptage et témoignages

 

Quel sera l’avenir de mon exploitation ?

 

Les agriculteurs sont des entrepreneurs qui évoluent dans un environnement de plus en plus complexe. Si la pression de la réussite économique de leur entreprise est forte, elle n’est pas la seule. Adapter son outil de travail ; composer avec les contraintes environnementales ; travailler seul ou avec un associé ; trouver de nouveaux débouchés ou avoir du temps pour sa famille et pour soi, sont autant de sujets sur lesquels les exploitants s’interrogent aujourd’hui.

 

« Il est important d’allouer du temps et des ressources pour répondre à ces questions fondamentales », soutient Philippe Bonnet, responsable du pôle installation, transmission, emploi et formation (Pitef) à la chambre d’agriculture du Rhône.

 

C’est alors qu’intervient le coaching stratégique. Dans la continuité du projet GTEC (gestion territoriale de l’emploi et des compétences), la chambre d’agriculture a donc décidé d’investir le champ de l’accompagnement stratégique des entreprises agricoles.

 

Le risque d’inertie

 

« C’est une nouvelle forme de conseil », prévient Lydie Constant, conseillère en stratégie d’entreprise au sein de l’organisme consulaire.

 

Le coaching stratégique est une solution pour les agriculteurs qui n’ont pas une vision claire de leur avenir, ni de celui de leur entreprise et pour lesquels les réponses techniques ou comptables ne sont pas suffisantes.

 

Le risque d’inertie est alors grand. « La prestation s’adresse à ceux qui ont des projets, savent qu’ils ont du potentiel et qui ont envie d’avancer mais ne savent pas comment s’y prendre », rassure-t-elle.

 

Neuf exploitants, seuls ou en société, ont déjà fait appel au coaching stratégique proposé par la chambre d’agriculture. Tous s’interrogeaient sur l’orientation à donner à leur entreprise. Il en résulte, pour certains, des choix d’investissements, pour d’autres, une réorganisation du travail pour dégager du temps, des échanges avec des tiers…

 

Bref, chacun a pu mesurer l’intérêt de la démarche et l’ouverture sur l’extérieur qu’elle pouvait aussi apporter.

 

Faire sauter les verrous

 

Fille d’agriculteurs, titulaire d’un diplôme d’ingénieur en agriculture, Lydie Constant est certifiée coach CT et formée à la psychologie. Dans le cadre du coaching stratégique, elle propose aux exploitants un ou plusieurs entretiens de 2 à 3 h, selon les besoins. « L’entretien doit permettre d’identifier les « verrous » qui empêchent aujourd’hui l’agriculteur d’avancer et, ensuite, de trouver la solution ensemble », décrit-elle.

 

L’approche, à la fois introspective et prospective, vise à écouter l’agriculteur, puis à le questionner, au bon moment, sur son point de blocage et sans a priori. L’enjeu est de l’amener à pointer les difficultés qu’il n’avait pas eu l’envie ou l’occasion d’aborder ; à prendre du recul par rapport à sa situation afin qu’il prenne des décisions réfléchies et pertinentes, qui tiennent compte de ses contraintes mais répondent aussi à ses aspirations ; à tracer des perspectives d’avenir et, bien souvent, à se sentir mieux dans sa vie professionnelle.

 

« Le coaching doit permettre de passer d’un état de doute à un état d’éclaircissement », explique la conseillère. « Lors du premier entretien, l’exploitant clarifie l’orientation qu’il souhaite prendre. Au cours des suivants, il prend la ou les décisions majeures qui vont lui permettre d’aller là où il veut.

 

L’expérience montre qu’en trois entretiens, on peut trouver la voie du progrès », ajoute-t-elle.La chambre d’agriculture du Rhône s’est fixé l’objectif de réaliser au moins vingt coachings par an. 

 

« À 54 ans, il faut faire vite pour se poser les bonnes questions sur la manière dont on envisage la suite. Soit on débraie et on attend la fin d’activité ; soit on continue à investir pour que l’outil, soit intéressant à reprendre. »

 

Erik Dominique est exploitant à Thurins sur 10 ha de fruits.

 

Depuis plusieurs années déjà, il s’interroge sur sa fin de carrière.

 

En tant qu’élu à la chambre d’agriculture du Rhône, il a testé le coaching stratégique. Une approche dont il a très rapidement mesuré les bénéfices.

 

« Au fil des rencontres, je me suis rendu compte que la solution était entre les deux. Je me suis aussi demandé pourquoi je n’avais pas songé à trouver un successeur.

 

En réalité, j’ai toujours eu l’espoir que ce soit l’un de mes enfants qui reprenne », explique-t-il. La réponse est finalement ailleurs. « Il s’agit plutôt de déterminer comment l’entreprise doit cheminer jusqu’à ma fin de carrière et comment, moi, je dois y contribuer », confesse t- il.

 

Autre préoccupation, immédiate celle-ci : mieux organiser son travail afin de se dégager du temps. « C’est une attente que nous partagions avec ma compagne, qui travaille sur l’exploitation. »

 

L’arboriculteur de Thurins a réalisé trois entretiens avec Lydie Constant, conseillère en stratégie d’entreprise à la chambre d’agriculture. A l’issue, ils ont identifié quatre pistes de travail.

 

La première : développer l’atelier fruits rouges hors sol pour réduire l’atelier plein champ et le sécuriser. « Nous finalisons un investissement dans du matériel plus performant, qui nous permettra de réduire le temps d’encadrement au moment de la récolte et le temps passé à l’implantation des structures », explique Erik Dominique.

 

La deuxième : passer sa production de pommes en palox et vide palox. « C’est en cours de réflexion. Nous pourrions économiser trois mois de salariat pour le chargement et le calibrage. »

 

Troisième piste : réaménager un lieu de stockage dédié à la vente directe et à la transformation de fruits.

 

La dernière : poursuivre le renouvellement des vergers afin de sécuriser l’exploitation.

 

« Le coût du coaching peut effrayer : il a été pour moi un choix bénéfique. Il m’a permis de prendre du recul pour m’aider à décider. Sans quoi j’aurais continué à me poser des questions sans jamais passer à l’action », conclut le producteur, qui salue la qualité de l’accompagnement de Lydie Constant. ■

 

Sylvain Palandre : « ça m’a ouvert l’esprit »

 

Sylvain Palandre est éleveur laitier en individuel à Coise. Il a participé au coaching stratégique proposé par la chambre d’agriculture.

 

L’occasion pour lui de s’arrêter sur sa situation et d’évoquer ses incertitudes par rapport à son système. L’exploitant gère un troupeau d’une quarantaine de vaches laitières de race montbéliarde, avec une production de 350 000 l de lait par an sur une surface de 32 ha. Un système intensif, typique des monts du Lyonnais.

 

« J’ai donné le meilleur à mon troupeau pour qu’il donne le meilleur », défend-il.

 

L’éleveur a développé la production, valorise au mieux ses veaux, s’intéresse à la génétique, a investi dans un bâtiment « très fonctionnel »…

 

Des choix assumés, mais pour lesquels le retour est difficile à mesurer dans un système où le producteur n’a pas « de maîtrise des prix ».

 

L’année dernière a été difficile pour lui : « même si le contexte était plutôt favorable, je ne la vivais pas très bien. Je me faisais anesthésier par le travail », explique-t-il.

 

Son souci : être « tout seul » face à la charge de travail. L’an dernier, Sylvain Palandre a rejoint le groupement d’employeurs de la FDSEA. Depuis, il salarie avec deux autres exploitations un ouvrier agricole, qui intervient chez lui 8 h par semaine. Un choix sur lequel il ne reviendrait pas aujourd’hui.

 

La réflexion conduite avec Lydie Constant, conseillère en stratégie d’entreprise à la chambre d’agriculture, « m’a permis de clarifier mes objectifs. Si les circuits courts peuvent être pour moi le moyen de mieux valoriser mon travail et de créer de la valeur ajoutée, le faire maintenant n’est pas forcément le bon choix car c’est encore plus de temps.

 

J’ai aussi écarté l’hypothèse de m’associer avec mon épouse, ce qui est une bonne chose. » L’éleveur veut aujourd’hui « donner un sens » à son projet de vie et profiter de sa famille (il est père de trois enfants).

 

Il dit aller bien et a trouvé un équilibre. Il ne s’interdit pas de saisir dans quelques années des opportunités pour, peut-être, gérer autre chose que son troupeau.

 

« Le coaching stratégique m’a ouvert l’esprit, permis de faire un point sur le présent et d’anticiper la suite », résume Sylvain Palandre. 

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